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12/09/2005
 

Vive le Québec libre !

  

 

 

Féru d’histoire, matière qu’il enseigna à l’école militaire de Saint-Cyr, Charles de Gaulle porte dans son cœur le Québec, celui de Jacques Cartier, le Malouin, et de Samuel de Champlain, l’homme de Brouage. Il en veut à la France d’avoir lâchement abandonné en 1763 cette terre de culture française, après la défaite de Montcalm face à Wolfe.

 

Le général de Gaulle connaît le Canada. Il y a séjourné en 1944, 1945 et en avril 1960. En octobre 64, il note que la Reine Elisabeth, en visite au Québec, a été accueillie par un silence impressionnant. Il aimerait bien retourner saluer « les cousins de la belle province » et leur dire deux ou trois chose dont il a le secret.

L’occasion va lui être fournie par Daniel Johnson qui vient d’être nommé à la tête du gouvernement québécois. Johnson a un problème à résoudre, celui de l’égalité des francophones que la commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme a reconnue. Mais le gouvernement fédéral traîne des pieds. Voilà pourquoi Johnson s’est dit : »Un petit coup de pouce de l’extérieur ne peut que nous être profitable, à nous Canadiens français ». A deux reprises il rencontre le général de Gaulle. Il trouve les mots justes : « Le Québec a besoin de vous ».

Comment résister à une telle demande ? Le général comprend les défauts du fédéralisme. Au Canada, les Français sont des citoyens de seconde zone, les vassaux de la reine d’Angleterre. Cela lui est insupportable. Il lui faut un prétexte pour aborder le québec. C’est la foire internationale de Montréal qui le lui donne. Il hésite, car une foire n’est guère un lieu propice à une action politique digne de la France. Et, d’autre part, à Ottawa, le gouvernement fédéral tique sur le voyage et reçoit avec peu d’amabilité le représentant du général.

  • « On va m’entendre… »

Ottawa tousse sur ce voyage. Tant mieux. De Gaulle décide d’être encore plus grand que d’habitude. C’est à bord du Colbert, navire-amiral de notre flotte de l’Atlantique, qu’il embarque à Brest le 15 juillet 1967, avec l’intention de « faire des vagues ». Après une escale à Saint-Pierre-et-Miquelon, il confie au colonel Desgrées du Lou, un de ses aides de camps : « On va m’entendre là-bas. Je vais en surprendre plus d’un… » Quand le colonel tente de savoir ce qu’il compte dire, le général se contente de sourire et reste silencieux. Le 23 juillet, le Colbert mouille au pied de la citadelle de Québec. De Gaulle a revêtu sa tenue de général. Daniel Johnson et le Gouverneur général du Canada, Roland Michener, l’accueillent. La foule siffle le « God save the Queen » et chante « La Marseillaise ». Le ton du séjour est donné.

  • Une marche triomphale.

Le 24 juillet, suivant le chemin du Roy, la marche triomphale se poursuit vers Montréal dans une ambiance de kermesse populaire. Chaque maire prononce quelques mots. La foule est de plus en plus dense.

Inlassablement, le Général répète : « La France a le devoir de vous aider. Il y a longtemps qu’elle vous doit quelque chose ». Il parle même de son ami Johnson. Le Général est debout dans la voiture. Enfin Montréal où l’attendent cinq cents mille personnes et des centaines de pancartes. Le peuple crie sa joie et ses ambitions : « Le Québec aux Québécois » et « Notre Etat français, nous l’aurons ». Le Général est ému. Cet accueil le bouleverse. Le Maire de Montréal, M. Drapeau, est un homme prudent, un fédéraliste convaincu. Il ne veut pas d’esclandre. Le Général lui demande la permission de parler au peuple du Balcon de l’Hôtel de Ville. « Les invités sont sur la terrasse et vont vous écouter » lui répond répond-il. De Gaulle s’entête. La foule, rien que la foule. « Il n’y a pas de micro sur le balcon » lui fait savoir Jean Drapeau. Stupéfaction du Général qui est vite rassuré par son garde du corps, Paul Comiti, qui le mène devant … un micro 

  • Vive le Québec Libre !

Charles de Gaulle alors improvise. « Ce soir, ici, et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération… » Et il annonce que la France « a conclu avec le gouvernement du Québec… des accords pour que les Français, de part et d’autre de l’Atlantique, travaillent ensemble à une même œuvre française ». Encore quelques phrase, puis le traditionnel remerciement et enfin… »Vive Montréal ! Vive le Québec ! Vive le Québec libre ! Vive le Canada français et vive la France ».

La foule hurle sa joie pendant de longues minutes. Couve de Murville, son ministre des Affaires étrangères, est abattu. Les indépendantistes dansent. Ils n’en attendaient pas tant du Général. Celui-ci avait promis qu’on allait l’entendre… On l’a entendu. Le gouvernement canadien n’apprécie pas. Mais pas du tout. La presse anglaise se déchaîne. De Gaulle y est traité comme « un éléphant en furie », voire une « bête puante avec laquelle il est inutile d’engager un concours de crachats ».

Le Général jubile pendant l’inauguration du pavillon français de la Foire internationale. Il a payé la dette que Louis XV devait aux Canadiens français… mais « les choses ne sont pas réglées. Elles commencent seulement » dira le Général, lors du Conseil des ministre qui suivra sa visite à la Belle Province.

 

Québec - juillet 1997

 

 

Inauguration de la statue du général de Gaulle à l'occasion du trentième anniversaire de son voyage au Québec